Céline Granjou propose une lecture des évolutions contemporaines de la protection de la nature en France en se fondant sur une série d’enquêtes de terrain réalisées depuis 2005. Son travail rend compte du vécu des professionnels de la nature : gestionnaires de parcs et de réserves, membres d’établissements et d’administrations publiques consacrés à l’environnement, acteurs associatifs, agriculteurs, chercheurs… Elle développe l’idée d’une "technoécologisation" de la protection de la nature qui renvoie au développement de nouvelles techniques de gestion de la biodiversité (contraception, traçabilité…), à l’affirmation des experts et professionnels de la nature, ainsi qu’à la production de savoirs associant étroitement gestionnaires d’espaces et chercheurs académiques en sciences de l’environnement. Loin de l’avènement d’un paradigme de cogestion participative, elle analyse la montée de ce modèle de gestion technique de la biodiversité en soulignant comment il prend sens au sein de contextes institutionnels et territoriaux et de jeux d’acteurs à chaque fois différents. En développant la notion d’"espace frontière" empruntée aux sciences studies et à la géographie culturelle, elle décrit les figures de circulation, d’échanges et d’apprentissages croisés entre le monde de la protection de la nature et celui de l’agriculture de montagne d’une part, entre le monde des gestionnaires d’espaces naturels et celui de la recherche académique d’autre part. Son travail pointe en même temps la précarité et les tensions propres à ces zones de coproduction des pratiques, des savoirs et des significations de la biodiversité. A partir de ce bilan, Céline Granjou propose d’élargir la focale de son travail en développant un programme de sociologie des sciences de l’environnement en société qui s’intéresse, à l’échelle internationale, aux mutations de l’interface entre sciences et politiques de la biodiversité.